mercredi 23 décembre 2009

La Vérité sur l'Assassinat de John Lennon - Fin

Chapitre VIII - Season Finale

Les roulements de tambour résonnaient dans la grande salle. Les flammes du brasier central dansaient avec les ténèbres, projetant des visions étranges sur les murs de pierre et les tentures ; la lune montrait parfois son croissant par les fenêtres, là-haut, avant de se cacher derrière un nuage, comme un enfant regardant la télévision en cachette à travers l’entrebâillement d’une porte à une heure où il devrait être couché depuis bien longtemps.

La cérémonie se déroulait glorieusement. Les chants étaient chantés, les implorations implorées, les mélopées mélopées. La foule des participants, principalement des humains – car chacun des participants était principalement un humain – vibrait d’une excitation retenue. Leur souhait de toujours allait bientôt se réaliser, après tant d’échecs et de frustration, de combat quotidien et de recherche patiente. La Prêtresse au centre du cercle. L’Elu, oint selon les termes du Livre Sacré à Majuscules, portant la Coiffe du Caribou et la Fourrure du Tapir, s’apprêtait enfin à pénétrer l’Enceinte Céleste, et pour rejouer avec la zoanthrope l’intrigue de nombreux films suédois à petits budgets. Sauf qu’à la fin, les protagonistes sauvent les spectateurs.
John fit un pas en avant. Les chants se firent plus pressants.
Son pied droit rejoignit son pied gauche puis le dépassa pour se poser quelques centimètres plus loin. Les implorations augmentèrent de plusieurs décibels.
Le hotdoguier promu Elu des hommes-bêtes réitéra l’opération avec son pied gauche, manoeuvre rendue délicate par son accoutrement pesant et déséquilibré. Il faillit trébucher, mais retrouva son équilibre. Les mélopées envahissaient l’espace sonore comme un éléphant dans un ascenseur.
Enfin, il entra dans le cercle. Les voix, les jappements, les grognements, les criaillements, meuglements, ricanements, feulements et quelques coassements s’amplifièrent jusqu’à envahir la vaste pièce d’une cacophonie terrifiante.
John put ôter ses andouillers et le reste de ses atours. Et de ses vêtements. Il prit la jeune femme dans ses bras. Le monde devint soudainement muet.

Un sage aurait dit un jour durant sa méditation : « S’il est possible que quelque chose tourne mal, quelque chose tournera mal, et au plus mauvais moment. » C’est donc à ce plus mauvais moment que la porte explosa.

Une armée de bêtes et bestioles s’engouffra dans la salle et engagea immédiatement le combat avec les participants de la cérémonie. Un tigre mordait un ours, un crapaud était sauvagement piétiné par un tamanoir qui fut lui-même égorgé par un gigantesque chien, et tout n’était plus que griffe contre crocs contre venin contre sabots. Alors que ce concentré de loi de la jungle s’invitait dans le refuge, quelques défenseurs menés par Betty Printemps vinrent former un vrai mur vivant autour des deux époux allégoriques et de Neil Young qui préférait être de ce côté de la bataille darwinienne. Le Magickien marmonnait, les yeux clos.
« Mais qu’est-ce qui se passe ? hurla John pour se faire entendre par dessus les cris.
- Les Sauvages ! Cet endroit était un secret depuis toujours, mais ils nous ont retrouvé ! Attention là-haut !»
Un singe était perché au rebord d’une fenêtre et s’apprêtait à lancer un gros caillou dans leur direction. Un rapace piqua vers lui et le déséquilibra, lui donnant un rendez-vous immédiat et sans retour avec le sol. La pierre se perdit à l’extérieur.

Neil se tut. Au milieu du vacarme, une ombre s’éleva du sol, faisant apparaître la silhouette noire d’une monstruosité. A l’horreur de tous, elle se solidifia, et le nouvel arrivant matérialisé semblait fâché. Peut-être n’était-ce qu’une impression fondée sur ses crocs monumentaux qui l’empêchait de fermer totalement les mâchoires, sur sa peau d’écailles luisantes et animées d’un mouvement hideux, ou bien sur sa ressemblance générale avec ce genre de poissons qui hantent les ténèbres des fonds marins. Neil sourit. « Tue ».

La boucherie qui s’ensuivit de mérite pas d’être explicitée.

Les plus rapides s’étaient précipitamment rangés derrière le magicien, le hotdoguier, la Chasseuse et la Prophétesse callipyge ; les retardataires et les Sauvages eurent un sort moins enviable. La créature venue des fins fonds de l’improbable se retrouva seule parmi des restes de viandes fumantes.
« Hum... Et maintenant ? s’inquiéta le hotdoguier.
- Et maintenant je la révoque vers son pays natal plus rapidement qu’un charter ministériel. Allez John, dis au revoir à madame Carnage ! »
La susnommée Madame Carnage se redressa au prénom de l’Elu. Un grondement sourd tiré de quelque organe vibrant se modula en voyelles et consonnes affreusement déformées :
« Llléénowwn ? »

L’appelé devint soudainement beaucoup plus nerveux. Certaines choses ne devraient jamais connaître votre nom. En particulier la machine à tuer qui se tenait devant lui. Lui répondre de quelque manière que ce soit ne lui apporterait certainement que des ennuis, même si la curiosité le tentait. Lennon était prudent, évidemment, et loin d’être stupide.
« Qui le demande ? »
Pas suffisamment loin ceci dit.

L’invocation poussa alors un long cri grave interrompu périodiquement par une sorte de hoquet monstrueux. Des glaces encore en place finirent de se briser et se répandirent en éclats de verre sur le sol. La bête riait. D’un geste si vif qu’il traitait le mur du son comme du Placoplâtre, son bras se tendit vers Lennon, éjectant une griffe qui s’envola à travers la pièce. John, protégé par les dieux, la chance ou la narration, bondit avant même de le savoir. Un battement de cœur plus tard, la Prophétesse était empalée sur le mur du fond, les pieds au-dessus du sol, la gorge transpercée par le javelot, sa bouche s’agitant pour hurler des phrases inaudibles alors qu’elle s’étouffait dans son propre sang.
« Raaaawwh ! » geignit la chose.
Un deuxième projectile de mort fusa aussitôt. Il heurta une barrière invisible et retomba au sol comme une plume.
« On va discuter d’abord», lança Neil l’Encore Plus Jeune derrière son bouclier astral.
La créature se transforma, ou plutôt devint ce qu’elle avait toujours été sans jamais l’être. Pensez à ces dessins de lapins où en changeant de paradigme, on s’aperçoit qu’il s’agissait en fait de canards depuis le tout début. Ca n’a rien à voir, mais vous commencez à croire que vous comprenez le principe.
En tout cas, on voyait maintenant une femme en toge à la place de la destruction sur pattes.
Elle pointait toujours le hotdoguier du doigt.

« Tu vas payer pour tes crimes, tyran !
- (murmures d’incompréhension)
- J’ai monté toute une organisation contre toi, j’ai fait pleuvoir la mort du ciel, j’ai informé tes ennemis, j’ai armé mes mages, tout ça sans succès jusqu’à cet instant mais cette fois, ta vie est bien terminée ! Fnord !
- Que... Trop ! Non ! Je refuse ! Oui, cette fois, c’est terminé, nom d’un sous-marin jaune ! Parce que vous allez m’expliquer ce qui se passe ! Qu’est-ce que j’ai fait pour que tout l’univers et au-delà essaye de m’étriper ? Qu’est-ce qui vient de.. de... faire ce qui est arrivé à cette jeune fille ? Et, *****, c’est quoi ce Fnord ?! »
Neil prit la parole, gêné.
« En fait... c’est ce que tu pourrais appeler mon maître. Fnord, c’est l’écho du silence... C’est l’espace entre deux pixels d’ordinateurs... C’est l’endroit où les bicyclettes sont libres... C’est la raison pour laquelle la fin se trouve après le début... C’est, hum... l’essence du chaos. C’est le principe à la source de mes pouvoirs, qui ont considérablement augmenté depuis ton arrivée dans ma vie, comme tu as pu le voir... J’avais jamais invoqué beaucoup plus que des rats invisibles, qui venaient me grignoter du fromage astral.
- Et ça vous pousse à tuer sans raison ? demanda John à Madame Carnage.
- John Lennon, le sang des victimes de tes crimes abjects hurle vers moi ! Prépare-toi à les rejoindre dans une éternité de douleur et de folie !
- Mes crimes abjects ? C’est la viande de mes hot-dogs ?
- Euh... ? Ah. Attends... Oh. Mon quinzième sens m’indique que nous ne sommes même pas encore en 2100. Tu n’es donc pas censé être né, qu’est-ce que... Ah. Encore ? Je me suis déjà plantée une fois avec cet autre type à New York... Erreur sur la personne. Sur ce, je file. Salut ! »

L’apparition vengeresse s’évanouit dans les airs.

Les survivants se regardèrent.
Un moment.

« Elle aurait pu s’excuser », fit remarquer la Chasseuse.








Après avoir enterré la Prophétesse avec les honneurs, les zoanthropes revinrent à leur quête d’absolution. John a désormais une nouvelle clientèle pour la « Saucisse dans le Ciel dans un Petit Pain ».

Fnord.


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Ahaha ! Ca y est ! Ca fait trois mois que j'ai rien posté, mais maintenant que j'ai fini ça, je vais pouvoir faire autre chose. Des maths par exemple.
Hum...

Joyeux Noël aux deux lecteurs ! Et aussi aux spambots qui veulent laisser des commentaires..