samedi 3 mai 2008

One day part III


III- Où l'on aime les subventions.


La veille, le poste de police de New Montpellier avait reçu une visite peu ordinaire.
Alors que le lieutenant Sucette allait engloutir tranquillement son troisième beignet, une botte réglementaire ouvrit la porte principale d'un coup bien placé.
"Flics, garde à vous ! dit le propriétaire de la botte. Le gouvernement fédéral vous apporte les renforts que vous demandez depuis toujours ! Votez conservateur ! Je suis John Peacemaker, délégué préfectoral du comté, et je fais partie de la commission du bottage de fesses !"
Effectivement, John avait l'air d'un vrai botteur de fesses, les flingues en bandoulière, la veste de cuir, le chapeau à large bord plat, et les bottes réglementaires. Voyant sa demande d'aide fédérale enfin réalisée, Sucette sourit.
"Alors au boulot, M. Peacemaker. Des individus dans cette ville a besoin d'un bon bottage de fesses !"


Au même moment, Strayton Psykaw s'était injecté sa potion magique, son dopant miraculeux, son stéroïde soignant. Sa cicatrice de naissance sur le bras gauche s'était résorbée, et à sa grande satisfaction, il dut même enlever ses lunettes, désormais gênantes.
"Aha ! Ca marche ! Ca marche ! Je vais devenir célèbre ! A moi le Prix Nobel !!"
Sa calvitie naissante fut bientôt remplacée par une toison abondante. Très abondante. Il voyait avec horreur les poils pousser sur ses bras, son torse, son visage. Il sentait une épaisse fourrure brune apparaître dans son dos. Puis sa langue s'épaissit, ses dents s'allongèrent, il sentit la bave envahir sa cavité buccale : lorsqu'il voulut hurler, il n'entendit qu'un grognement bestial sortir de ses babines. Autour de lui, les moutons subissaient eux aussi d'horribles transformations, gagnant en taille, en poids, en férocité. Psykaw sentit la bête en lui grogner, et hurler sa faim. Il voulait se battre. Il voulait du pouvoir. Il voulait du sang. D'un coup de tête, il ouvrit une brèche dans un mur, et avec son armée ovine, creusa son chemin vers la nuit.


Le lendemain matin, Strayton se réveilla, quelques plumes ensanglantées dans la bouche, au milieu d'un cercle de cadavres de moineaux, pigeons, rats, et un ou deux renards. Il n'avait aucun souvenir du carnage qu'il avait commis. Il eut peur. Et ses craintes se réalisèrent quand il se retourna. Une fillette démembrée gisait derrière lui, sa gorge tranchée souriant au nouveau monstre de New Monpellier. La bête avait encore faim.
Plus tard, alors que John Peacemaker était allé rétablir la loi et l'ordre dans les secteurs les plus mal famés de la ville, le lieutenant Sucette reçut une deuxième visite inattendue. Décidément, c'était pas la journée du beignet...
Un monstre hideux aux crocs ensanglantés avait fait irruption devant son bureau.
Il tendait les bras devant lui. Sucette, à l'esprit vif lorsqu'il ne l'anesthésie pas avec du sucre, comprit ce qu'il voulait qu'il lui fasse. Il n'aimait pas être manipulé, mais il aimait encore moins désobéir à un géant velu venant se soumettre. Le policier sortit ses menottes.
"Vous avez le droit de garder le silence. Dans le cas contraire tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous devant un tribunal. Vous avez le droit de consulter un avocat et d’avoir un avocat présent lors de l’interrogatoire..."


Lorsque Peacemaker revint, le bras taché de poussière, de sang et d'huile, les principaux produits échangés entre les forces des l'ordre et les caïds de New Montpellier, Sucette reprenait timidement des bras du monstre une feuille de carton et un crayon épais.
"Tenez, John, ce suspect tente de communiquer avec nous, et je ne pense pas qu'il puisse bénéficier d'un traducteur. D'autant qu'il écrit en anglais...
-Montrez-moi ça, lieutenant"
Strayton avait tenté d'écrire ses déboires, mais parfois il s'était résolu à les dessiner, avant que la bête ne l'empêche de se rendre sans combattre. La feuille était ainsi un patchwork de ratures, de demandes d'aides, de dessin de massacre et de cris déchirants (qui avaient littéralement déchiré le papier).
"Hum, je pense qu'il a besoin de l'unité d'aide psychologique de niveau 3, lui.
- La quoi, chef ?
- Le bottage de fesses, lieutenant ! La seule aide psychologique admise par le gouvernement face aux monstres velus ! Pourquoi croyez-vous que les citoyens paient, si ce n'est une bonne correction de temps en temps ? Allez, Sucette, on va faire comme dans ma jeunesse au Moyen-Orient, passez-moi les électrodes dans mon sac, je vous jure qu'il va parler Chewbacca !"
Sucette allait contester le caractère anticonstitutionnel de la méthode, mais depuis les amendements Clinton 2012 59.666, la torture était un moyen légal de faire parler les simples suspects, pourvu qu'ils aient un aspect étrange et qu'ils ne soient pas comme nous. Or le suspect en question était objectivement étrange. Sucette tremblait lorsqu'il dut appliquer les électrodes sur le monstre enchaîné et menotté. Il lui semblait qu'il lui suffirait d'éternuer pour inviter le chaos dans son poste de police. Il ressortit prudemment de la cellule, soulagé d'être encore vivant. Puis il vit la lueur de la folie dans les yeux de Peacemaker alors qu'il allait presser le bouton de la douleur. Sucette ne put s'empêcher d'éternuer.


La bête hurla, et Sucette devint sourd pour trois jours. Son haleine fétide lui fit perdre connaissance. Peacemaker hurla également, mais son .45 hurla encore plus fort, trois fois. Psykaw se protégea avec son bras, et grogna lorsque les balles lui perforèrent le biceps. Il frappa contre la cloison la plus proche et passa à travers le mur. John, l'arme au poing, tenta de le suivre, mais il avait disparu...
Une heure plus tard, dans une grotte humide, sous les vivats ovins d'une armée de fanatiques :
"Vous êtes enfin revenu, chef ? Vous nous avez manqué. Je les ai rassemblés ici pour vous attendre. Votre plan tient toujours la route ?
- Mon plan ? Quel plan... Ah, ce plan-là ? Hum... Oui. Oui, je pense qu'ils l'ont mérité. Allons-y, lieutenant !"


C'est ainsi que Psykaw, monstre de haine et de sauvagerie ayant retrouvé une partie de son intelligence redoutable, partit en compagnie du fidèle lieutenant Sheeponzalez Mérino et de quelques troupes de choc en direction des dépôts d'armes et d'explosifs de New Montpellier.
Sur un toit non loin, le Violonier était alors réveillé par un rat, et les explosions inévitables dans ce genre d'opération le décidèrent à agir.

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