vendredi 4 janvier 2008

Où on tente de raconter des histoires

Okay.

Un blog, c'est sensé se remplir d'observations acérées sur la vie, l'univers et le reste, ou alors de photos d'amis avec des légendes frappées au coin du bon sens (ou au moins frappant le bon sens) comme "hiiii c'est ma chériie elle je l'aime trop gros smack méga big up !" à l'orthographe approximative. Ou alors de réflexions philosophiques de lycéens trouvant que la vie est dure, que les ruptures c'est pas bien, que ça donne même envie de mettre des paroles de chansons, et que lâchez vos coms. J'essaierai de ne pas en arriver là ; cette voie est plus facile, mais mène au côté obscur de la Force.

N'ayant aucun talent pour le blog BD, l'esprit quelque peu embrumé par une fièvre tapie derrière mes paupières, des démangeaisons dans les doigts et l'envie de rester dans le bon goût, je vais plutôt commencer par une histoire, avec le moins de prétention possible.
Cette histoire sera :


La terrible légende des moules d'Ouzbékistan*

On raconte, dans certains villages isolés d'Asie centrale, perdus au milieu de la steppe, une histoire venue des temps anciens. Ce n'est pas une histoire ordinaire. Elle ne peut pas être vraie, mais dans un sens elle raconte plus que la vérité. Le jour de leur dixième anniversaire, les garçons partent avec le plus grand guerrier du village pour une chevauchée au bord de la mer, et l'histoire leur est racontée, face aux moules et aux coquillages. En revenant, ils sont des hommes. Voici cette histoire.


Il y a longtemps, quand le monde était jeune et que Père Soleil chevauchait encore les vastes étendues du pays avec Mère Lune, vivait une tribu de héros, de géants parmi les hommes, les fils du Soleil.

Les Bordijins étaient grands et forts comme des ours, traquaient leurs proies comme les loups au coeur de l'hiver. Le jour, ils chassaient, pillaient ou affrontaient des monstres gigantesques aujourd'hui disparus, hideuses créatures aux bras innombrables crachant leur bile mortelle sur les cavaliers ; la nuit, ils exaltaient leur virilité dans des orgies démentes et des festins de titans.
Nul homme au monde n'était aussi fier et puissant que les Bordijins et parmi eux, nul n'était plus fier et puissant que Yermügei.
Yermügei était le plus grand guerrier que connut le monde. Il menait ses hommes à la victoire, les tribus lui obéissaient, et le monde entier le craignait et le respectait.

Un jour qu'il chassait seul dans la forêt, Yermügei vit s'ébattre sous une cascade une jeune fille au teint blanc, bien plus pâle que les Occidentales qui vivent de l'autre côté du monde. Il la voulut dès qu'il la vit, mais déjà la jeune fille la voit, et s'élance dans les buissons, nue comme une biche. Il la prit en chasse, mais elle était insaissisable comme le reflet de la lune dans la rivière, car elle était fille de la Lune. Ils se pourchassèrent durant des heures, puis les jours passèrent, et les mois et les saisons. Lorsque revint le printemps, Yermügei finit par s'arrêter, épuisé.
Il avait échoué, mais jura sur le nom de son père Soleil qu'il ne laisserait pas cet affront impuni.

Yermügei rassembla son clan, et les Bordijins lancèrent leur chevauchée, suivie par le grondement apocalyptique des sabots de leurs chevaux. Les oiseaux commencèrent à migrer vers d'autres contrées, les souris et les lièvres apprirent à se terrer dans leur tanière, les hommes tremblaient au fond de leurs yourtes. Le monde avait peur, peur devant la rage de Yermügei, peur face à la colère de ses guerriers.

Un être en particulier était effrayé. La fille de la Lune cherchait une cachette, un endroit où nul Bordijin ne saurait la trouver, mais personne n'osait la protéger de la fureur de leur chef. Les eaux se montraient tumultueuses, les forêts hérissaient leurs broussailles, le vent fouettait les plaines. Elle se tourna en dernier recours vers sa mère Lune, qui chevauchait autour du monde avec Père Soleil, sur leurs grands chevaux de feu et de lumière.
Elle lui conta son histoire et lui demanda sa protection. La Lune est une mère, et n'aime pas que l'on fasse du mal à ses enfants ; elle accepta donc de prendre sa fille avec elle.

Mais Yermügei et son clan fouillèrent le monde entier, chaque recoin, chaque caverne, chaque ruisseau. La frustration et la honte de l'échec avaient accentué leur rage ; ils finirent par se tourner vers leur père Soleil, qui chevauchait autour du monde avec mère Lune.
A ses côtés, ils trouvèrent leur proie.

"Père ! Père !" clama Yermügei. "N'abandonne pas l'aîné de tes fils au fond de la défaite ! Respecte ton serment, et livre moi la jeune fille à tes côtés !"

La Lune tempêta, et défendit au Soleil de toucher à la moindre parcelle de peau de sa protégée. Il y eut de violentes marées et de longues nuits, les femmes mouraient en couche et les ruisseaux rebroussaient leur cours ; mais le Soleil était lié par le serment qu'il avait fait au plus beau de ses fils. Il y eut de longs étés brûlant les récoltes, des journées de plusieurs mois, et on vit apparaître un désert au milieu des plaines. Au bout de cette bataille céleste, la fille fut rejetée vers la terre, seule et désemparée. Les guerriers fondirent sur elle, et Yermügei la viola puis la tua, pour avoir osé lui tenir tête pendant si longtemps.

Mais la Lune ne put tolérer le comportement des Bordijins, ni celui du Soleil. Lorsqu'elle se rendit compte du sort de sa fille, elle éloigna le Soleil d'une ruade de son cheval, puis usa de ses pouvoirs sur les cavaliers sacrilèges. Ils tentèrent de résister, mais ils n'avaient aucune chance, bien qu'ils fussent les plus forts des hommes.

Ainsi, au bord d'une mer nouvellement créée par les cataclysmes des astres, se trouve désormais une colonie de moules, les plus humbles des êtres vivants nés du châtiment des plus fiers des hommes, qui se crurent supérieurs à le Lune.
Yermügei, quant à lui, fut sauvé par son père, et placé dans les étoiles, où il montre encore le chemin au cavalier égaré.
Depuis ce jour, les femmes du peuple sont traitées à leur juste valeur, et nul n'ose porter la main sur une d'entre elle de ce côté-ci du monde ; le Soleil et la Lune, eux, ne chevauchèrent plus jamais ensemble, mais se pourchassent l'un l'autre éternellement, sans jamais se rencontrer.


*Merci Agnès pour le titre =) Si vous trouvez des fautes, dites-le moi, c'est du plus mauvais effet.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup !